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Marie-Noëlle Deverre est une artiste qui vit et travaille à Alençon. Elle dessine, grave,
réalise des installations, des performances et des sculptures portables. La galerie d’art du lycée accueille son exposition « Nuée sur Mars » jusqu’au 13 décembre. Vendredi 18 novembre, les élèves de TMM ont pu la rencontrer et lui poser des questions sur son parcours et sa pratique artistique.


Qu’avez-vous étudié en particulier aux universités de Rennes et de Valenciennes ?


J’ai étudié à Rennes les arts plastiques, mais il y avait beaucoup de théorie. J’avais fait les Beaux-Arts avant, où il y avait plus de pratique. A Rennes, c’était énormément de théorie, de philosophie de l’art, de sciences de l’art, d’histoire de l’art. C’était très intéressant mais on ne faisait pas beaucoup de pratique. J’ai donc trouvé de moyens de pratiquer toute seule. Je suis ensuite allée à Valenciennes, car à cette époque je pensais que je voulais faire de la scénographie. Il y avait là-bas une option scénographie. J’ai pu faire des stages et je n’ai pas été emballée. Cependant l’aspect scénographique se retrouve dans mon travail. Mes œuvres sont des installations, je réfléchis toujours à l’aspect scénographique. Dès que je conçois une œuvre ou que je la réalise, je l’imagine toujours dans l’espace.


Pourquoi avez-vous décidé de travailler dans l’art ?


Alors, je n’ai pas vraiment décidé. Quand j’étais petite, je voulais être danseuse, c’était encore dans l’art. Après je faisais du théâtre, alors je m’imaginais comédienne, et puis finalement non. J’ai toujours dessiné. Souvent les enfants dessinent et en grandissant on n’a plus vraiment le temps au collège ou alors c’est très cadré : il y a une heure dans la semaine où on dessine et après c’est fini donc je ne sais pas si c’est très inspirant. Moi j’ai continué de dessiner tout le temps, c’était vraiment le dessin qui m’intéressait et je me suis débrouillée pour faire des cours de nu. J’avais entendu dire que si on pratiquait le nu, on pouvait tout dessiner. J’ai un peu triché sur mon âge, les cours commençaient normalement à l’âge de 18 ans, j’y suis allée à l’âge de 15 ans. J’ai aussi pensé à faire de la mode à un moment donné, comme vous. Et puis finalement, je me suis inscrite aux Beaux-Arts. Le vêtement, le textile font partie de mon travail. J’ai en fait beaucoup de libertés dans mon travail.


D’où vient votre inspiration pour vos œuvres ?


Souvent, c’est le contexte dans lequel je me trouve, c’est pour cela que j’aime bien partir en résidence quelque part, surtout dans des milieux que je connais pas pour les découvrir. Cela m’inspire ensuite des œuvres. Des circonstances peuvent aussi m’inspirer, des voyages. En fait, c’est le vécu qui m’inspire surtout. Ce qui me plaît c’est la surprise. Ce qui me motive, c’est de ne pas savoir ce qui va aboutir, c’est tout le processus de l’expérience et de ne pas savoir le résultat qui me plaît.


Avec quels matériaux travaillez-vous ?


Alors, à votre avis ? Le tissu, mais pourquoi ?
Alors oui, beaucoup le tissu car j’ai une petite passion pour les tissus. Dès que je vais dans une nouvelle ville, je vais dans les magasins de tissus pour les toucher, les regarder. J’en achète beaucoup, je me ruine beaucoup en tissus. J’ai une grosse collection de tissus chez moi, soit des tissus que j’achète, soit des tissus de récupération. J’aime beaucoup aussi acheter des tissus dans les brocantes, dans des dépôts-vente, car on tombe sur des tissus anciens, qui ont un vécu, avec des matières fantastiques qu’on ne trouve plus de nos jours. C’est l’aspect tactile du tissu qui me plaît aussi, le toucher, la sensualité. Cela me permet de créer des œuvres qui vont favoriser une proximité avec le spectateur. On est tout de suite dans une sorte d’intimité avec le tissu.


Quelle est votre œuvre la plus connue selon vous ?


C’est « Entre là ». J’avais été invitée par la Galerie Modulable pour une nuit blanche à Metz. J’avais carte blanche. Pendante toute une nuit, plein d’artistes occupent des lieux partout dans la ville. On m’a proposée de créer une installation dans les anciens appartement de Guillaume II. Il y a eu 6 000 spectateurs qui sont venus voir l’installation. Il y a eu 3 mois de grosse préparation. C’est une grande installation avec des fils de fer barbelés thermolaqués en rose. Cela ressemblait à de la céramique. De loin, on avait l’impression que c’était comme des bobines de laine. Il y avait quand même l’idée du tissu avec la crinoline en fer forgé. Il y avait environ 300 coupes à champagne. Il y a des danseurs qui étaient au milieu de la crinoline et qui dansaient toute la nuit en se relayant. Ils étaient sur un tableau tournant motorisé qui tournait très lentement. C’était un peu magique. Au bout de la nuit, il a fallu tout démonter.


Comment avez-vous réussi à pouvoir faire des expositions ?


Il faut être très persévérant, volontaire, très battant pour faire ce métier. Il ne faut jamais se décourager. Il y a eu des personnes qui ont flashé sur mon travail, qui m’ont soutenue. C’est par les rencontres, il y a des gens qui croient en ton travail. Il faut aussi répondre à des appels à candidature. Par exemple là pour le dispositif De Visu, il y a beaucoup d’artistes qui postulent mais il n’y en a que quelques uns qui sont choisis. Il faut être préparé tout le temps à être sélectionné ou pas et ne pas le prendre pour soi si jamais on n’est pas choisi. C’est peut-être juste que notre travail ne rentre pas dans ce dispositif là, que ça ne coïncide pas. Il faut aussi essayer de cibler là où on peut avoir du succès ou pas.


Vendez-vous vos œuvres, si oui comment définissez-vous leur prix ?


Oui je vends des œuvres, mais pas toutes. Je fais beaucoup d’estampes sur tissus mais aussi sur papier, et je vends plus d’œuvres imprimées sur papier, donc des choses plus classiques, encadrées. C’est plus facile à vendre. Les installations sur tissu, c’est plus difficile à vendre. Quand je ne vends pas d’œuvres, je vends des projets ou des expositions. Je vais être payée pour exposer. Maintenant on a des droits d’exposition, cela n’existait pas autrefois. Parfois on me donne des cartes blanches, ça veut dire qu’on me propose d’investir un lieu et de créer quelque chose sans savoir ce que je vais faire au final et on me paye pour ça. Je ne pourrais pas vivre que de la vente d’œuvres.


Quel est votre rêve ou objectif personnel ?


C’est de pouvoir poursuivre mon travail plastique, d’avoir toujours la possibilité de pouvoir créer jusqu’au bout de ma vie. Plus on a de reconnaissance, plus on a les outils, la possibilité de pouvoir créer en toute liberté. J’aspire à plus de reconnaissance encore.